« Au bout de leur peine », documentaire de Mathilde Syre, présente le travail de deux conseillères d’insertion et de probation (CPIP) au sein de la maison d’arrêt et centre de détention d’Aiton, en Savoie.
Christelle et Clémence sont deux jeunes femmes d’une trentaine d’années. Leur métier de CPIP consiste à définir avec chaque détenu un parcours de réinsertion qui leur permette, à leur sortie de prison, de mener une vie intégrée à la société et de ne pas retomber dans la délinquance.
Le documentaire suit Christelle et Clémence dans leurs entretiens avec des prisonniers. Elles les aident à formuler une demande de permission de sortie ou d’aménagement de peine. Elles cherchent avec eux une entreprise d’insertion susceptible de les embaucher « au bout de leur peine ». Elles répondent aux appels des familles, et il leur arrive occasionnellement de transmettre, embarrassées, les messages d’amour des femmes esseulées à leur conjoint derrière les barreaux.
Détenus et CPIP appartiennent à deux mondes différents, celui du dedans et celui du dehors ; celui des classes populaires frappées par l’indigence et la précarité et celui de la classe moyenne éduquée ; celui d’hommes vivant, contraints et forcés, dans un milieu exclusivement masculin et celui de femmes libres de partager leur vie avec qui elles l’entendent.
La barrière du langage est aussi palpable. Pour les détenus, le vocabulaire de base des CPIP peut avoir des accents de langue étrangère. Les mots « projet », « problématique », « se projeter », « définir un cadre », « évaluer », ou encore « mettre à l’épreuve » font partie de la boîte à outils des professionnels de la réinsertion. Pour la plupart des détenus, c’est un jargon hors d’atteinte. Heureusement qu’il y a le langage corporel, le buste incliné vers l’avant, les mains ouvertes sur le bureau, un sourire, qui créent de la communication là où les mots creusent un fossé.
Les conseillères d’insertion sont placées du côté de la loi, des juges, de l’administration qui gère les peines (la pénitentiaire). Mais par construction, elles se trouvent aussi aux côtés de la personne détenue, attentives à chaque opportunité qui se présente de la remettre d’aplomb. Elles doivent trouver à chaque moment la bonne distance entre l’empathie avec des hommes qui souffrent et infligent à leurs proches une part de leur souffrance, et la froideur que requiert l’application de la loi envers des hommes dont les agissements ont impacté douloureusement la vie d’autrui.
La soirée au cinéma Utopia de Bordeaux était organisée par le Genepi, une association estudiantine qui souhaite favoriser le décloisonnement des institutions carcérales par la circulation des savoirs entre les personnes enfermées, ses bénévoles et la société civile, et par la section du Syndicat de la Magistrature pour l’école nationale de la magistrature.
Une idée se dégageait du débat qui suivit la projection du documentaire. Il faut cesser de considérer la prison comme la peine de référence. La prison coupe le détenu de ses proches et de son environnement ; elle infantilise et déresponsabilise les individus ; elle accroît leur rancœur à l’égard de la société ; elle rend difficile la recherche d’emploi après la libération ; elle facilite la création de bandes délinquantes. Si on prend au sérieux l’objectif de réinsérer dans la société des personnes qui ont enfreint la loi, d’autre peines doivent être préférées. C’est le cas de la contrainte pénale, créée en 2014 mais rarement utilisée par les juges, tant le recours à la prison est ancré dans les habitudes et réclamé par l’opinion publique.