Le premier film mes frères Arab et Tarzan Nasser est une comédie noire qui plonge le spectateur dans l’enfer de Gaza. Il rend hommage à la résilience des femmes gazaouies.
Le film se déroule à huis-clos dans le salon de coiffure de Christina (Victoria Balitska), une Russe qui a épousé un Gazaoui et s’est installée dans sa ville. Dedans, il y a Christina, qui coiffe une jeune femme qui se prépare pour son mariage, qui devrait être célébré dans quelques heures ; son assistante Wedad, qui est censée s’occuper d’une femme vieillissante et aigrie (Hiam Abbass) qui voudrait redevenir belle pour un rendez-vous galant ; et une petite dizaine d’autres femmes qui sont supposées attendre leur tour, mais ne viennent là en réalité que pour tuer le temps et fuir leur chez-elle.
Dehors, c’est un paysage chaotique d’immeubles dévastés, des hommes qui circulent désœuvrés et armés dans une rue sans bitume. Parmi eux, Ahmed (Tarzan Nasser), le fiancé de Wedad. Il fait partie d’une famille mafieuse de Gaza qui pour montrer sa force a enlevé un lion du zoo de la ville, qu’Ahmed exhibe devant le salon.
La tension monte. L’électricité est coupée, rendant la chaleur insupportable. L’accouchement de l’une des clientes se déclenche. La police du Hamas a décidé de régler son compte aux voleurs de lion. Wedad, folle d’inquiétude pour Ahmed, néglige sa cliente, dont l’aplomb et la coquetterie sont peu à peu rongés par l’angoisse. Le salon est plongé dans l’obscurité. Dehors, on entend le fracas des bombes et le crépitement de la mitraille, les ordres des officiers.
Arab et Tarzan Nasser évoquent les conditions aberrantes de la vie à Gaza : « notre travail s’inspire de la tragédie et de l’absurdité qui se sont abattues sur la Palestine, et, tout particulièrement, sur la bande de Gaza ». Leur film est profondément tragique, mais fait partager au spectateur l’humour de ces femmes qui par le rire grinçant parviennent à conserver des raisons de vivre.
« En venant au salon de coiffure, disent les cinéastes, elles sont dans un havre de paix dédié au plaisir et à la beauté ». L’une d’entre elles est une femme entièrement voilée, amenée là par Safia (Manal Awad), une amie toxicodépendante. Ses commentaires sur ce lieu de perdition sont croustillants. Peu à peu, on découvre cependant qu’elle est profondément malheureuse en ménage et qu’elle porte sur les gouvernants du Hamas un regard critique.
Une scène formidable est quand, alors que la bataille fait rage dans la rue et que le salon est plongé dans le noir et une chaleur étouffante, Safia s’imagine chef du gouvernement à la place des politiciens incapables qui ont amené cette situation de pénurie, de peur et d’obscurité, et qu’elle attribue des portefeuilles ministériels aux femmes présentes du salon : la femme en train d’accoucher est gratifiée du portefeuille des transports.
Le titre « Dégradé » se réfère au vocabulaire de la coiffure. Il renvoie aussi à la situation à Gaza, territoire assiégé par Israël qui le surveille, bombarde et affame depuis des années, dirigé par des intégristes religieux. Les habitants y survivent, un jour après l’autre, avec pour seule arme un humour décapant.
Une réflexion sur « Dégradé »