La direction des services pénitentiaires de Bordeaux et l’Institut français pour la justice restaurative (IFJR) ont organisé le 1er décembre 2022 un colloque sur le thème « la justice restaurative en Nouvelle-Aquitaine : retours d’expériences, défis et perspectives »
L’IFJR définit La justice restaurative comme « un espace sécurisé, volontaire, confidentiel entre victimes et infracteurs pour échanger autour des questionnements et répercussions de l’infraction ».
Les programmes de justice restaurative prennent des formes variées, depuis la médiation impliquant un infracteur, sa victime et un médiateur, jusqu’à des groupes réunissant des infracteurs et leurs victimes – ou bien des personnes ayant commis un certain type d’infraction et des personnes victimes du même type d’infraction – avec des professionnels et des bénévoles représentant la société civile.
Trois mots-clés se détachent du colloque : sécuriser, scénariser, cheminer.
SÉCURISER. Victimes et infracteurs sont souvent bouleversés et traumatisés par ce qui s’est passé. Le témoignage d’un père acceptant de rencontrer en prison la fille qu’il avait agressée sexuellement, et celui d’une mère qui avait souhaité s’expliquer en face à face avec l’assassin de son fils, ont été diffusés pendant le colloque. Il convient de créer les conditions pour que les uns et les autres se sentent à l’aise, protégés, dans la démarche restaurative.
Le temps de préparation est dès lors essentiel. Les animateurs passeront du temps avec victimes et infracteurs pour expliquer le sens et le déroulé du programme, s’assurer de leur motivation, leur expliquer qu’ils peuvent le quitter à tout moment.
SCÉNARISER. Le moyen privilégié pour sécuriser le processus consiste à définir précisément le scénario. Où va se passer la rencontre (on fera visiter les locaux) ? Qui entrera en premier ? Se serrera-t-on la main ? Où s’assiéra-t-on ? Qui prendra la parole ? Quelle sera la durée de la rencontre ?
CHEMINER. Un programme du justice restaurative dure généralement plusieurs mois, entre la phase de préparation et la rencontre elle-même, qui peut prendre la forme d’une série de réunions s’étageant sur des semaines. Les personnes peuvent mûrir, changer d’avis, souhaiter quitter le programme ou au contraire s’y investir davantage. Prendre en compte cette dimension temporelle est une exigence de la fonction d’animateur.
La loi du 15 août 2014 prescrit qu’à l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative. On peut y voir l’expression d’un droit des victimes et des infracteurs à participer à un programme de justice restaurative, voire d’une obligation de l’autorité judiciaire à le leur proposer. Les programmes de justice restaurative restent pourtant une rareté : 19 seulement en cours en Nouvelle-Aquitaine, alors que plusieurs dizaines de milliers de condamnations y sont prononcées chaque année par les tribunaux.
Peut-on stimuler la demande de justice restaurative, alors que l’on sait que les programmes réclament un considérable investissement en temps et en compétences, réduisant l’opportunité d’une victime ou d’un infracteur d’y avoir accès ? Ou bien l’évidence d’une demande non satisfaite est-elle de nature à favoriser la réalisation de programmes nouveaux ?
Le colloque du 1er décembre n’a pas vraiment répondu à ces questions. En revanche, il a permis d’exposer en profondeur plusieurs programmes menés à bien en Nouvelle Aquitaine ces dernières années, malgré la crise sanitaire.